Passer outre
Passer outre ces cris, ces larmes et ces refus systématiques quand on entame une promenade en famille, au bord d'un étang alors que l'on aspire à un peu de tranquillité. Se boucher les oreilles, garder le sourire même quand l'envie est forte de prendre ses jambes à son cou, d'égarer la poussette comme par mégarde et de se rouler dans l'herbe fraîche, comme tous ces amoureux au bord de l'eau.
Passer outre ces heures passées en conseils de classe à écouter les doléances toujours plus longues des uns et des autres pour finalement constater qu'on n'y peut pas grand chose.
Oublier cet accoutrement ridicule dont on m'a affublée aujourd'hui en arrivant à la crèche, seule avec mes trois zozos hurlants, sous prétexte que c'était carnaval. J'ai eu l'air d'un pirate avec la tronche des mauvais jours toute la matinée. Faut assumer.
Passer outre ce gigantesque fossé que la voirie a creusé juste devant chez nous et qui nous oblige à une gymnastique incensée chaque jour avec les enfants dans les bras et le Cyclamen garé à 200m de là.
Passer outre ces nouvelles toujours plus alarmantes de la santé de mes parents et ce constat envahissant qu'ils vieillissent, comme tout le monde, même si je m'étais jusque là appliquée à croire le contraire.
Oublier pour un temps nos emploi du temps qui ne nous laissent le temps de rien.
Occulter le fait que dans une société moins homophobe, j'aurais eu droit aux égars dûs aux mères de familles nombreuses qui m'auraient épargné cette course échevelée contre le temps qui passe trop vite.
Me libérer de ces souvenirs nostalgiques qui me ramènent trois ans en arrière, quand mon ventre rond de mille promesses regardait fleurir le cerisier au fond du jardin. Le cerisier est mort, le jardinier viendra le couper lundi. Je n'aurai pas le temps d'être là. Il me manquera.