Clandestinité
Hier, le grand père de Kip s'en est allé pour un dernier voyage vers un ciel et un Seigneur qui l'auraient sûrement fait bien rire. Passager clandestin d'un rituel religieux bien trop pompeux pour sa personnalité entière et caustique.
Tandis que le prête absent de la paroisse avait laissé l'office à deux femmes pour cause de réduction des effectifs dans la maison de Dieu, j'étais là, près d'elle, mon amour, inconnue de la plupart des membres de sa famille, une "amie" venue là comme pour occuper une vie trop morne alors que son corps, que son âme en souffrance près de moi n'ont jamais eu droit à mon étreinte pourtant si impatiente. Passagères clandestines d'une église qui nous renie. Amoureuses redevenues amies pour ne pas froisser un lien familial déjà si ténu. J'aurais eu besoin de la serrer contre moi, de la laisser, quelques instants, se perdre, s'égarer, redevenir l'enfant de ses souvenirs dans mes bras. Mais non. Ce n'était pas le lieu. Ce n'était pas le moment. Et c'est comme ça, dans un désir inassouvi, que nous avons vu défiler une horde d'octogénaires venus dire adieu à leur vieux copain, la larme au coin de l'oeil, ne pouvant cacher l'épouvante dans leur yeux de la projection de leur propre fin si prochaine.
Ce matin, dans une fringale de vie intense, nous avons mis tous les enfants dans notre lit pour profiter ensemble du petit matin et de la douceur d'être ensemble.