Commun des mortels ?
Quand je suis née, les gens de ma famille qui sont venus se pencher sur mon berceau m'ont trouvée adorable moche et frippée.
A cinq ans, je voulais être vétérinaire mécanicienne pour porter des bleus, comme mon père.
A huit ans, j'avais ma première Barbie que je chérissais trouvais crétine
A dix ans, j'étais la mascotte de mon école, celle qui jouait du violon banjo sur la scène de la kermesse à la grande surprise des parents réunis pour l'occasion.
A douze ans, alors que mon corps se transformait en un coprs de jeune fille, je tapais sur mes seins et je maudissais ces douleurs dans la bas ventre qui étaient pour moi des signes bénis assauts d'une féminité que je refusais.
A quinze ans, alors que mes copines se grimaient en groupies d'Indochine et ne voyaient que par les marques, moi je travaillais mon galbe en aérobique bivouacais dans les montagnes enneigées avec mon traîneau et mes chiens, mes chaussures de rando et mes laines polaires.
A dix huit ans, alors que toutes mes copines exhibaient leur tout nouveau permis de conduire et se faisaient offrir une Citroën Saxo rose, moi, je lorgnais les vielles BMW 4L que je trouvais charmantes à souhait.
A vingt ans, alors que les ovaires de mes copines de fac frémissaient à chaque odeur virile qui passait dans les couloirs, je me pâmais restais de marbre sans comprendre ce qui les rendait à ce point mièvres.
Alors même si je comprends le point de vue de Taomin qui considère qu'avoir des enfants quand on est homo c'est avant tout obéir à un ordre établi, reproduire un schéma familial, se réfugier derrière une apparence de normalité, je m'insurge et je dis NON.
Mon parcours, ma vie, ma personnalité ont fait de moi un être en dehors des conventions, et si j'avais vraiment voulu faire plaisir à ma mère et m'assurer la tranquilité de la norme, j'aurais choisi Robert plutôt que Kip.
Mais voilà, même quand on est un peu "hors norme", même quand on est une fille et qu'on se découvre homo, même quand on s'était juré que la marmaille c'était pour les blaireaux conventionnels et même si on s'en défend, un jour arrive où le cri du ventre intervient et chamboule tout. le cri du ventre, ça donne à peu près ça "ahhrrffoouuiiloouuarrraillle !!" et c'est irresistible. Ca vous met la larme à l'oeil quand les berceaux se remplissent autour de vous, ça vous rend jalouse des ventres ronds croisés au hasard des chemins, ça vous fait pleurer toute seule devant la télé à chaque annonce d'un drame de l'enfance et ça vous donne une envie irrépressible d'être celle qui tiendra cette petite main, qui sèchera ces larmes, qui apprendra la neige, le vent, le rire aux larmes et les purées de carottes.
Eh oui ! Ca rend bête l'appel des tripes, mais quand ça vous prend, ça vous prend là, dans le coeur, dans le ventre, dans la tête et tout n'est plus tendu que vers ça. Sans qu'on y puisse rien. Bien qu'on s'en défende. Homo ou hétéro. Dans la norme ou en dehors des conventions. C'est irresistible et ça n'a rien à voir avec une volonté de normalité.